La Tulipe Noire [abridged]
by
Alexandre Dumas, PŠre

Part 3 out of 3



--Et vous, jeune fille, connaissez-vous M. Boxtel?

--Non, je ne connais pas M. Boxtel, mais je connais M. Jacob.

--Que voulez-vous dire?

--Je veux dire qu'… Loewestein, celui qui se fait appeler Isaac
Boxtel se faisait appeler M. Jacob.

--Que dites-vous … cela, monsieur Boxtel?

--Je dis que cette fille ment, monseigneur.

--Vous niez avoir jamais ‚t‚ … Loewestein?

Boxtel h‚sita; l'oeil fixe et imp‚rieusement scrutateur du prince
l'empˆchait de mentir.

--Je ne puis nier avoir ‚t‚ … Loewestein, monseigneur, mais je nie
avoir vol‚ la tulipe.
--Vous me l'avez vol‚e, et dans ma chambre! s'‚cria Rosa indign‚e.
--Je le nie.
--Ecoutez! Niez-vous m'avoir suivie dans le jardin, le jour o— je
pr‚parai la plate-bande o— je devais l'enfouir? Niez-vous m'avoir
suivie dans le jardin le jour o— j'ai fait semblant de la planter?
Niez-vous ce soir-l… vous ˆtre pr‚cipit‚, aprŠs ma...

Boxtel ne jugea point … propos de r‚pondre … ces diverses
interrogations. Mais laissant la pol‚mique entam‚e avec Rosa et se
retournant vers le prince:

--Il y a vingt ans, monseigneur, dit-il, que je cultive des tulipes …
Dordrecht, j'ai mˆme acquis dans cet art une certaine r‚putation:
une de mes hybrides porte au catalogue un nom illustre. Je l'ai
d‚di‚e au roi de Portugal. Maintenant voici la v‚rit‚.

--Oh! s'‚cria Rosa, outr‚e de colŠre.
--Silence! dit le prince.

Puis, se retournant vers Boxtel:

--Et quel est, dit-il, ce prisonnier que vous dites ˆtre l'amant de
cette jeune fille?

Rien ne pouvait ˆtre plus agr‚able … Boxtel que cette question.

--Quel est ce prisonnier? r‚p‚ta-t-il.
--Oui.
--Ce prisonnier, monseigneur, est un homme dont le nom seul prouvera
… Votre Altesse combien elle peut avoir de foi en sa probit‚. Ce
prisonnier est un criminel d'Etat, condamn‚ une fois … mort.
--Et qui s'appelle?

Rosa cacha sa tˆte dans ses deux mains avec un mouvement d‚sesp‚r‚.

--Qui s'appelle Corn‚lius van Baerle, dit Boxtel, et qui est le
propre filleul de ce sc‚l‚rat de Corneille de Witt.

Le prince tressaillit. Son oeil calme jeta une flamme, et le froid
de la mort s'‚tendit de nouveau sur son visage immobile. Il alla …
Rosa.

--C'est donc pour suivre cet homme que vous ˆtes venue me demander …
Leyde le changement de votre pŠre?

Rosa baissa la tˆte et s'affaissa ‚cras‚e en murmurant:

--Oui, monseigneur.
--Poursuivez, dit le prince … Boxtel.
--Je n'ai plus rien … dire, continua celui-ci, Votre Altesse sait
tout. Maintenant, voici ce que je ne voulais pas dire, pour ne pas
faire rougir cette fille de son ingratitude. Je suis venu …
Loewestein parce que mes affaires m'y appelaient...
La veille de la floraison de la fleur, la tulipe a ‚t‚ enlev‚e de
chez moi par cette jeune fille, port‚e dans sa chambre, o— j'ai eu le
bonheur de la reprendre au moment o— elle avait l'audace d'exp‚dier
un messager pour annoncer … MM. les membres de la...
--Oh! mon Dieu! mon Dieu! l'infƒme! g‚mit Rosa en larmes, en se
jetant aux pieds du stathouder, qui, tout en la croyant coupable,
prenait en piti‚ son horrible angoisse.
--Vous avez mal agi, jeune fille, dit-il, et votre amant sera puni
pour vous avoir ainsi conseill‚e. Car vous ˆtes si jeune et vous
avez l'air si honnˆte, que je veux croire que le mal vient de lui et
non de vous.
--Monseigneur! monseigneur! s'‚cria Rosa, Corn‚lius n'est pas
coupable.

Guillaume fit un mouvement.

--Pas coupable de vous avoir conseill‚e. C'est cela que vous voulez
dire, n'est-ce pas?
--Je veux dire, monseigneur, que Corn‚lius n'est pas plus coupable du
second crime qu'on lui impute qu'il ne l'est du premier.
--Du premier, et savez-vous quel a ‚t‚ ce premier crime? Savez-vous
de quoi il a ‚t‚ accus‚ et convaincu? D'avoir, comme complice de
Corneille de Witt, cach‚ la correspondance du grand pensionnaire et
du marquis de Louvois.
--Eh bien! monseigneur, il ignorait qu'il f–t d‚tenteur de cette
correspondance; il l'ignorait entiŠrement. Eh! mon Dieu! il me
l'e–t dit. Est-ce que ce coeur de diamant aurait pu avoir un secret
qu'il m'e–t cach‚? Non, non, monseigneur, je le r‚pŠte...
--Un de Witt! s'‚cria Boxtel. Eh! monseigneur ne le connaŒt que
trop, puisqu'il lui a d‚j… fait une fois grƒce de la vie.
--Silence! dit le prince. Toutes ces choses d'Etat, je l'ai d‚j…
dit, ne sont point du ressort de la Soci‚t‚ horticole de Harlem.

Puis, fron‡ant le sourcil:

--Quant … la tulipe, soyez tranquille, monsieur Boxtel, ajouta-t-il,
justice sera faite.

Boxtel salua, le coeur plein de joie, et re‡ut les f‚licitations du
pr‚sident.

--Vous, jeune fille, continua Guillaume d'Orange, vous avez failli
commettre un crime, je ne vous en punirai pas, mais le vrai coupable
payera pour vous deux. Un homme de son nom peut conspirer, trahir
mˆme...mais il ne doit pas voler.
--Voler! s'‚cria Rosa, voler! lui, Corn‚lius, oh! monseigneur,
prenez garde; mais il mourrait s'il entendait vos paroles! S'il y a
eu un vol, monseigneur, je le jure, c'est cet homme qui l'a commis.
--Prouvez-le, dit froidement Boxtel.
--Eh bien! oui. Avec l'aide de Dieu je le prouverai, dit la
Frisonne avec ‚nergie.

Puis se retournant vers Boxtel:

--La tulipe ‚tait … vous?
--Oui.
--Combien avait-elle de ca‹eux?

Boxtel h‚sita un instant, mais il comprit que la jeune fille ne
ferait pas cette question si les deux ca‹eux connus existaient seuls.

--Trois, dit-il.
--Que sont devenus ces ca‹eux? demanda Rosa.
--Ce qu'ils sont devenus?...l'un a avort‚, l'autre a donn‚ la tulipe
noire...
--Et le troisiŠme?
--Le troisiŠme?
--Le troisiŠme, o— est-il?
--Le troisiŠme est chez moi, dit Boxtel tout troubl‚.
--Chez vous, o— cela? … Loewestein ou … Dordrecht?
--A Dordrecht, dit Boxtel.
--Vous mentez, s'‚cria Rosa. --Monseigneur, ajouta-t-elle en se
tournant vers le prince, la v‚ritable histoire de ces trois ca‹eux,
je vais vous la dire, moi. Le premier a ‚t‚ ‚cras‚ par mon pŠre dans
la chambre du prisonnier, et cet homme le sait trŠs bien... Le
second, que j'ai plant‚, a produit la tulipe noire, et le troisiŠme
et dernier, le voici...

Et Rosa, d‚maillottant le ca‹eu du papier qui l'enveloppait, le
tendit au prince, qui le prit de ses mains et l'examina.

--Mais, monseigneur, cette jeune fille ne peut-elle pas l'avoir vol‚
comme la tulipe? balbutia Boxtel effray‚ de l'attention avec
laquelle le prince examinait le ca‹eu et surtout de celle avec
laquelle Rosa lisait quelques lignes trac‚es sur le papier.

Tout … coup les yeux de la jeune fille s'enflammŠrent; elle relut
haletante ce papier myst‚rieux, et poussant un cri en tendant le
papier au prince:

--Oh! lisez, monseigneur, dit-elle, au nom du ciel, lisez!

Guillaume passa le troisiŠme ca‹eu au pr‚sident, prit le papier et
lut.

A peine Guillaume eut-il jet‚ les yeux sur cette feuille qu'il
chancela, sa main trembla comme si elle ‚tait prˆte … laisser
‚chapper le papier, ses yeux prirent une effrayante expression de
douleur et de piti‚.

Cette feuille, que venait de lui remettre Rosa, ‚tait la page de la
Bible que Corneille de Witt avait envoy‚e … Dordrecht, par Craeke, le
messager de son frŠre Jean, pour prier Corn‚lius de br–ler la
correspondance du grand pensionnaire avec Louvois.

Cette priŠre, on se le rappelle, ‚tait con‡ue en ces termes:

®Cher filleul, Br–le le d‚p“t que je t'ai confi‚, br–le-le sans le
regarder, sans l'ouvrir, afin qu'il d‚meure inconnu … toi-mˆme: les
secrets du genre de celui qu'il contient tuent les d‚positaires.
Br–le-le, et tu auras sauv‚ Jean et Corneille. Adieu et aime-moi,
CORNEILLE DE WITT. 20 ao–t 1672.¯

Cette feuille ‚tait … la fois la preuve de l'innocence de van Baerle
et son titre de propri‚t‚ aux ca‹eux de la tulipe.

Rosa et le stathouder ‚changŠrent un seul regard.

Celui de Rosa voulait dire: Vous voyez bien!

Celui du stathouder signifiait: Silence et attends!

Le prince essuya une goutte de sueur froide qui venait de couler de
son front sur sa joue. Il plia lentement le papier, laissant son
regard plonger avec sa pens‚e dans cet abŒme sans fond et sans
ressource qu'on appelle le repentir et la honte du pass‚.

Bient“t relevant la tˆte avec effort:

--Allez, monsieur Boxtel, dit-il, justice sera faite, je l'ai promis.

Puis au pr‚sident:

--Vous, mon cher monsieur van Systens, ajouta-t-il, gardez ici cette
jeune fille et la tulipe. Adieu.

Tout le monde s'inclina, et le prince sortit courb‚ sous l'immense
bruit des acclamations populaires.

Boxtel s'en retourna au Cygne-Blanc assez tourment‚. Ce papier que
Guillaume avait re‡u des mains de Rosa, avait lu, pli‚ et mis dans sa
poche avec tant de soin, ce papier l'inqui‚tait.

Rosa s'approcha de la tulipe, en baisa religieusement la feuille, et
se confia tout entiŠre … Dieu en murmurant:

--Mon Dieu! saviez-vous vous-mˆme dans quel but mon bon Corn‚lius
m'apprenait … lire?

Oui, Dieu le savait, puisque c'est lui qui punit et qui r‚compense
les hommes selon leurs m‚rites.


XXII

GUILLAUME ET ROSA

Rosa ne re‡ut aucune nouvelle du stathouder avant le soir du jour o—
elle l'avait vu en face. Vers le soir, un officier entra chez van
Systens; il venait de la part de Son Altesse inviter Rosa … se rendre
… la maison de ville. L…, dans le grand cabinet des d‚lib‚rations o—
elle fut introduite, elle trouva le prince qui ‚crivait. Il ‚tait
seul et avait … ses pieds un grand l‚vrier de Frise.

Guillaume continua d'‚crire un instant encore; puis, levant les yeux
et voyant Rosa debout prŠs de la porte:

--Venez, mademoiselle, dit-il sans quitter ce qu'il ‚crivait.

Rosa fit quelques pas vers la table.

--Monseigneur, dit-elle en s'arrˆtant.
--C'est bien, fit le prince. Asseyez-vous.

Rosa ob‚it, car le prince la regardait. Mais … peine le prince
eut-il report‚ les yeux sur son papier qu'elle se retira toute
honteuse. Le prince achevait sa lettre. Puis, se retournant vers
Rosa et fixant sur elle son regard scrutateur et voil‚ en mˆme temps:

--Voyons, ma fille, dit-il.

Le prince avait vingt-trois ans … peine, Rosa en avait dix-huit ou
vingt; il e–t mieux dit en disant: ma soeur.

--Ma fille, dit-il avec cet accent ‚trangement imposant qui gla‡ait
tous ceux qui l'approchaient, nous ne sommes que nous deux, causons.

Rosa commen‡a … trembler de tous ses membres, et cependant il n'y
avait rien que de bienveillant dans la physionomie du prince.

--Monseigneur, balbutia-t-elle.
--Vous avez un pŠre … Loewestein?
--Oui, monseigneur.
--Vous ne l'aimez pas?
--Je ne l'aime pas, du moins, monseigneur, comme une fille devrait
aimer.
--C'est mal de ne pas aimer son pŠre, mon enfant, mais c'est bien de
ne pas mentir … son prince.

Rosa baissa ses yeux.

--Et pour quelle raison n'aimez-vous point votre pŠre?
--Mon pŠre est m‚chant.
--De quelle fa‡on se manifeste sa m‚chancet‚?
--Mon pŠre maltraite les prisonniers.
--Tous?
--Tous.
--Mais ne lui reprochez-vous pas de maltraiter particuliŠrement
quelqu'un?
--Mon pŠre maltraite particuliŠrement M. van Baerle qui...
--Qui est votre amant.
--Rosa fit un pas en arriŠre.
--Que j'aime, monseigneur, r‚pondit-elle avec fiert‚.
--Depuis longtemps? demanda le prince.
--Depuis le jour o— je l'ai vu.
--Et vous l'avez vu?
--Le lendemain du jour o— furent si terriblement mis … mort M. le
grand pensionnaire Jean et son frŠre Corneille.

Les lŠvres du prince se serrŠrent, son front se plissa, ses paupiŠres
se baissŠrent de maniŠre … cacher un instant ses yeux. Au bout d'un
instant de silence, il reprit:

--Mais que vous sert-il d'aimer un homme destin‚ … vivre et … mourir
en prison?
--Cela me servira, monseigneur, s'il vit et meurt en prison, …
l'aider … vivre et … mourir.
--Et vous accepteriez cette position d'ˆtre la femme d'un prisonnier?
--Je serais la plus fiŠre et la plus heureuse des cr‚atures humaines
‚tant la femme de M. van Baerle; mais...
--Mais quoi?
--Je n'ose dire, monseigneur.
--Il y a un sentiment d'esp‚rance dans votre accent; qu'esp‚rez-vous?

Elle leva ses beaux yeux sur Guillaume, ses yeux limpides et d'une
intelligence si p‚n‚trante qu'ils allŠrent chercher la cl‚mence
endormie au fond de ce coeur sombre d'un sommeil qui ressemblait … la
mort.

--Ah! je comprends.

Rosa sourit en joignant les mains.

--Vous esp‚rez en moi, dit le prince.
--Oui, monseigneur.
--Hum!

Le prince cacheta la lettre qu'il venait d'‚crire et appela un de ses
officiers.

--Monsieur van Deken, dit-il, portez … Loewestein le message qui
voici; vous prendrez lecture des ordres que je donne au gouverneur,
et en ce qui vous regarde, vous les ex‚cuterez.

L'officer salua, et l'on entendit retentir sous la vo–te sonore de la
maison le galop d'un cheval.

--Ma fille, poursuivit le prince, c'est dimanche la fˆte de la
tulipe, et dimanche c'est aprŠs-demain. Faites-vous belle avec les
cinq cents florins que voici; car je veux que ce jour-l… soit une
grande fˆte pour vous.
--Comment Votre Altesse veut-elle que je sois vˆtue? murmura Rosa.
--Prenez le costume des ‚pous‚es frisonnes, dit Guillaume, il vous
si‚ra fort bien.


XXIII

HARLEM

Harlem est une jolie ville qui s'enorgueillit … bon droit d'ˆtre une
des plus ombrag‚es de la Hollande. Tandis que les autres mettaient
leur amour-propre … br–ler par les arsenaux et par les chantiers, par
les magasins et par les bazars, Harlem mettait toute sa gloire …
primer toutes les villes des Etats par ses beaux ormes touffus, par
ses peupliers ‚lanc‚s, et surtout par ses promenades ombreuses,
au-dessus desquelles s'arrondissaient en vo–te, le chˆne, le tilleul
et le marronnier. Harlem prit le go–t des choses douces, de la
musique, de la peinture, des vergers, des promenades, des bois et des
parterres. Harlem devint folle des fleurs, et, entre autres fleurs,
des tulipes.

Harlem proposa des prix en l'honneur des tulipes, et nous arrivons
ainsi, fort naturellement comme on voit, … parler de celui que la
ville proposait, le 15 mai 1673, en l'honneur de la grande tulipe
noire sans tache et sans d‚faut, qui devait rapporter cent mille
florins … son inventeur. Harlem avait voulu faire de cette c‚r‚monie
de l'inauguration du prix une fˆte qui durƒt ‚ternellement dans le
souvenir des hommes.

Harlem s'‚tait donc mise en joie, car elle avait … fˆter une
solennit‚: la tulipe noire avait ‚t‚ d‚couverte, puis le prince
Guillaume d'Orange assistait … la c‚r‚monie, en vrai Hollandais qu'il
‚tait. La Soci‚t‚ horticole de Harlem s'‚tait montr‚e digne d'elle
en donnant cent mille florins d'un oignon de tulipe. La ville n'avait
pas voulu rester en arriŠre, et elle avait vot‚ une somme pareille,
qui avait ‚t‚ remise aux mains de ses notables pour fˆter ce prix
national.

En tˆte des notables et du comit‚ horticole, brillait M. van
Systens, par‚ de ses plus riches habits. On voyait derriŠre ce
comit‚, les corps savants de la ville, les magistrats, les
militaires, les nobles et les rustres. Au centre du cortŠge ‚tait la
tulipe noire, port‚e sur une civiŠre couverte de velours blanc frang‚
d'or.

Il ‚tait convenu que le prince stathouder distribuerait certainement
lui-mˆme le prix de cent mille florins, et qu'il prononcerait peut-
ˆtre un discours. Harlem tout entiŠre, renforc‚e de ses environs,
s'‚tait rang‚e le long des beaux arbres du bois, avec la r‚solution
bien arrˆt‚e de n'applaudir cette fois ni les conqu‚rants de la
guerre, ni ceux de la science, mais tout simplement ceux de la
nature, que venaient de forcer cette in‚puisable mŠre …
l'enfantement, jusqu'alors cru impossible, de la tulipe noire.

Tous les yeux cherchaient, aprŠs l'h‚ro‹ne de la fˆte qui ‚tait la
tulipe noire, le h‚ros de la fˆte qui, tout naturellement, ‚tait
l'auteur de cette tulipe. Ce triomphateur rayonnant, enivr‚, ce
h‚ros du jour, c'est Isaac Boxtel, qui voit marcher en avant de lui,
… sa droite, sur un coussin de velours, la tulipe noire, sa pr‚tendue
fille, … sa gauche, dans une vaste bourse, les cent mille florins en
belle monnaie d'or reluisante, ‚tincelante. De temps en temps
cependant Boxtel quitte pour un moment des yeux la tulipe et la
bourse, et regarde timidement dans la foule, car dans cette foule il
redoute par-dessus tout d'apercevoir la pƒle figure de la belle
Frisonne.

Mais il n'aper‡ut point Rosa. Il en r‚sulta que la joie de Boxtel ne
fut pas troubl‚e.

Le cortŠge s'arrˆta au centre d'un rond-point dont les arbres
magnifiques ‚taient d‚cor‚s de guirlandes et d'inscriptions; le
cortŠge s'arrˆta au son d'une musique bruyante, et les jeunes filles
de Harlem parurent pour escorter la tulipe jusqu'au siŠge ‚lev‚
qu'elle devait occuper sur l'estrade, … c“t‚ du fauteuil d'or de Son
Altesse le stathouder. Et la tulipe orgueilleuse, hiss‚e son son
pi‚destal, domina bient“t l'assembl‚e qui battit des mains et fit
retentir les ‚chos de Harlem d'un immense applaudissement.

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After the flight of Rosa, Gryphus had become more savage than ever
and had attacked Cornelius in his cell. Cornelius overcame his
assailant and gave him a sound beating. The guards rushed in,
disarmed the prisoner, and told him that death was the punishment
decreed for a prisoner who attacked his keeper. At this moment the
officer of the Prince appeared and ordered Cornelius to follow him.
Van Baerle was ignorant of what had happened at Harlem and supposed
he was being taken to the place of execution.
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XXIV

UNE DERNIERE PRIERE

En ce moment solennel et comme ces applaudissements se faisaient
entendre, un carrosse passait sur la route qui borde le bois, et
suivait lentement son chemin. Ce carrosse, poudreux, fatigu‚, criant
sur ses essieux, renfermait le malheureux van Baerle. Cette foule,
ce bruit, ce miroitement de toutes les splendeurs humaines et
naturelles, ‚blouirent le prisonnier comme un ‚clair qui serait entr‚
dans son cachot. Malgr‚ le peu d'empressement qu'avait mis son
compagnon … lui r‚pondre lorsqu'il l'avait interrog‚ sur son propre
sort, il se hasarda … l'interroger une derniŠre fois sur tout ce
remue-m‚nage.

--Qu'est-ce cela, je vous prie, monsieur le lieutenant? demanda-t-il
… l'officier charg‚ de l'escorter.
--Comme vous pouvez le voir, monsieur, r‚pliqua celui-ci, c'est une
fˆte.
--Ah! une fˆte! dit Corn‚lius de ce ton lugubrement indiff‚rent d'un
homme … qui nulle joie de ce monde n'appartient plus depuis
longtemps.

Puis, aprŠs un instant de silence et comme la voiture avait roul‚
quelques pas:

--La fˆte patronale de Harlem? demanda-t-il, car je vois bien des
fleurs.
--C'est en effet une fˆte o— les fleurs jouent le principal r“le,
monsieur.
--Oh! les doux parfums! oh! les belles couleurs! s'‚cria Cornelius.
--Arrˆtez, que monsieur voie! dit l'officier au soldat charg‚ du r“le
de postillon.
--Oh! merci, monsieur, de votre obligeance, repartit m‚lancoliquement
van Baerle; mais ce m'est une bien douloureuse joie que celle des
autres; ‚pargnez-la moi donc, je vous prie.
--A votre aise; marchons alors. J'avais command‚ qu'on arrˆtƒt, parce
que vous me l'aviez demand‚, et ensuite parce que vouss passiez pour
aimer les fleurs, celles surtout dont on c‚lŠbre la fˆte aujourd'hui.
--Et de quelles fleurs c‚lŠbre-t-on la fˆte aujourd'hui, monsieur?
--Celle des tulipes.
--Celle des tulipes! s'‚cria van Baerle; c'est la fˆte des tulipes,
aujourd'hui?
--Oui, monsieur; mais puisque ce spectacle vous est d‚sagr‚able,
marchons.

Et l'officier s'apprˆta … donner l'ordre de continuer la route. Mais
Corn‚lius l'arrˆta: un doute douloureux venait de traverser sa
pens‚e.

--Monsieur, demanda-t-il d'une voix tremblante, serait-ce donc
aujourd'hui qu'on donne le prix?
--Le prix de la tulipe noire? Oui.
--La tulipe noire! s'‚cria van Baerle en jetant la moiti‚ de son
corps par la portiŠre. O— cela? o— cela?
--L…-bas, sur le tr“ne, voyez-vous?
--Je vois!
--Allons, monsieur, dit l'officier, maintenant il faut partir.
--Oh! par piti‚, par grƒce, monsieur, dit van Baerle, oh! ne
m'emmenez pas! laissez-moi regarder encore! Comment? ce que je vois
l…-bas est la tulipe noire, bien noire...est-ce possible? oh!
monsieur, l'avez-vous vue? elle doit avoir des taches, elle doit ˆtre
imparfaite, elle est peut- ˆtre teinte en noir seulement; oh! si
j'‚tais l…, je saurais bien le dire, moi, monsieur; laissez-moi
descendre, laissez-moi la voir de prŠs, je vous prie.
--Etes-vous fou, monsieur? le puis-je?
--Je vous en supplie!
--Mais vous oubliez que vous ˆtes prisonnier?
--Je suis prisonnier, il est vrai, mais je suis un homme d'honneur;
et sur mon honneur, monsieur, je ne me sauverai pas; je ne tenterai
pas de fuir; laissez-moi seulement regarder la fleur.
--Mais mes ordres, monsieur?

Et l'officier fit un nouveau mouvement pour ordonner au soldat de se
remettre en route. Corn‚lius l'arrˆta encore.
--Oh! soyez patient, soyez g‚n‚reux, toute ma vie repose sur un
mouvement de votre piti‚. H‚las! ma vie, monsieur, elle ne sera
probablement pas longue maintenant. Ah! vous ne savez pas, monsieur,
tout ce qui combat dans ma tˆte et dans mon coeur; car enfin,
continua Corn‚lius avec d‚sespoir, si c'‚tait ma tulipe … moi, si
c'‚tait celle que l'on a vol‚e … Rosa! Oh! monsieur, comprenez-vous
bien ce que c'est que d'avoir trouv‚ la tulipe noire, de l'avoir vu
un instant, d'avoir reconnu qu'elle ‚tait parfaite, que c'‚tait … la
fois un chef-d'oeuvre de l'art et de la nature, et de la perdre, de
la perdre … tout jamais! Oh! il faut que je sorte, monsieur, il faut
que j'aille la voir, vous me tuerez aprŠs si vous voulez, mais je la
verrai, je la verrai.
--Taisez-vous, malheureux, et rentrez vite dans votre carrosse, car
voici l'escorte de Son Altesse le stathouder qui croise la v“tre, et
si le prince remarquait un scandale, entendait un bruit, c'en serait
fait de vous et de moi.

Van Baerle, encore plus effray‚ pour son compagnon que pour lui-
mˆme, se rejeta dans le carrosse, mais il ne put y tenir une
demi-minute, et les vingt premiers cavaliers ‚taient … peine pass‚s
qu'il se remit … la portiŠre, en gesticulant et en suppliant le
stathouder juste au moment o— celui-ci passait. Guillaume,
impassible et simple comme d'ordinaire, se rendait … la place pour
accomplir son devoir de pr‚sident. Il avait … la main son rouleau de
v‚lin, qui ‚tait, dans cette journ‚e de fˆte, devenu son bƒton de
commandement.

Voyant cet homme qui gesticulait et qui suppliait, reconnaissant
aussi peut-ˆtre l'officier qui accompagnait cet homme, le prince
stathouder donna l'ordre d'arrˆter.

--Qu'est-ce cela? demanda le prince … l'officier, qui au premier
ordre du stathouder, avait saut‚ en bas de la voiture, et qui
s'approchait respectueusement de lui.
--Monseigneur, dit-il, c'est le prisonnier d'Etat que, par votre
ordre, j'ai ‚t‚ chercher … Loewestein, et que je vous amŠne … Harlem,
comme Votre Altesse a d‚sir‚.
--Que veut-il?
--Il demande avec instance qu'on lui permette d'arrˆter un instant
ici.

--Pour voir la tulipe noire, monseigneur, cria van Baerle, en
joignant les mains, et aprŠs, quand je l'aurai vue, quand j'aurai su
ce que je dois savoir, je mourrai, s'il le faut, mais en mourant je
b‚nirai Votre Altesse mis‚ricordieuse.

C'‚tait, en effet, un curieux spectacle que celui de ces deux hommes,
chacun … la portiŠre de son carrosse, entour‚ de ses gardes; l'un
tout-puissant, l'autre mis‚rable; l'un prŠs de monter sur son tr“ne,
l'autre se croyant prŠs de monter sur son ‚chafaud. Guillaume avait
regard‚ froidement Corn‚lius et entendu sa v‚h‚mente priŠre. Alors,
s'adressant … l'officier:

--Cet homme, dit-il, est le prisonnier rebelle qui a voulu tuer son
ge“lier … Loewestein?

Corn‚lius poussa un soupir et baissa la tˆte. Sa douce et honnˆte
figure rougit et pƒlit … la fois. Ces mots du prince omnipotent,
omniscient, cette infaillibilit‚ divine qui, par quelque messager
secret et invisible au reste des hommes, savait d‚j… son crime, lui
pr‚sageaient non seulement une punition plus certaine, mais encore un
refus. Il n'essaya point de lutter, il n'essaya point de se
d‚fendre: il offrit au prince un spectacle touchant d'un d‚sespoir
na‹f, bien intelligible et bien ‚mouvant pour un si grand coeur et un
si grand esprit que celui qui le contemplait.

--Permettez au prisonnier de descendre, dit le stathouder, et qu'il
aille voir la tulipe noire, bien digne d'ˆtre vue au moins une fois.
--Oh! fit Corn‚lius prŠs de s'‚vanouir de joie et chancelant sur le
marchepied du carrosse, oh! monseigneur.

Et il suffoqua; et sans le bras de l'officier qui lui prˆta son
appui, c'est … genoux et le front dans la poussiŠre que le pauvre
Corn‚lius e–t remerci‚ Son Altesse. Cette permission donn‚e, le
prince continua sa route dans le bois au milieu des acclamations les
plus enthousiastes. Il parvint bient“t … son estrade, et le canon
tonna dans les profondeurs de l'horizon.


CONCLUSION

Van Baerle, conduit par quatre gardes, qui se frayaient un chemin
dans la foule, per‡a obliquement vers la tulipe noire. Il la vit
enfin, la fleur unique qui devait, sous des combinaisons inconnues de
chaud, de froid, d'ombre et de lumiŠre, apparaŒtre un jour pour
disparaŒtre … jamais. Il la vit … six pas; il en savoura les
perfections et les grƒces; il la vit derriŠre les jeunes filles qui
formaient une garde d'honneur, … cette reine de noblesse et de
puret‚. Et cependant, plus il s'assurait par ses propres yeux de la
perfection de la fleur, plus son coeur ‚tait d‚chir‚. Il cherchait
tout autour de lui pour adresser une question, une seule. Mais
partout des visages inconnus; partout l'attention s'adressant au
tr“ne sur lequel venait de s'asseoir le stathouder.

Guillaume, qui attirait l'attention g‚n‚rale, se leva, promena un
tranquille regard sur la foule enivr‚e, et son oeil per‡ant s'arrˆta
tour … tour sur les trois extr‚mit‚s d'un triangle form‚ en face de
lui par trois int‚rˆts et par trois drames bien diff‚rents. A l'un
des ces angles, Boxtel, fr‚missant d'impatience et d‚vorant de toute
son attention le prince, les florins, la tulipe noire et l'assembl‚e.

A l'autre, Corn‚lius, haletant, muet, n'ayant de regard, de vie, de
coeur, d'amour, que pour la tulipe noire, sa fille.

Enfin, au troisiŠme, debout sur un gradin parmi les vierges de
Harlem, une belle Frisonne vˆtue de fine laine rouge brod‚e d'argent
et couverte de dentelles tombant … flots de son casque d'or; Rosa
enfin, qui s'appuyait, d‚faillante et l'oeil noy‚, au bras d'un des
officiers de Guillaume.

Le prince alors, voyant tous ses auditeurs dispos‚s, d‚roula
lentement le v‚lin, et d'une voix calme, nette, bien que faible, mais
dont pas une note ne se perdait, grƒce au silence religieux qui
s'abattit tout … coup sur les cinquante mille spectateurs et enchaŒna
leur souffle … ses lŠvres:

--Vous savez, dit-il, dans quel but vous avez ‚t‚ r‚unis ici. Un
prix de cent mille florins a ‚t‚ promis … celui qui trouverait la
tulipe noire. La tulipe noire! et cette merveille de la Hollande est
l… expos‚e … vos yeux; la tulipe noire a ‚t‚ trouv‚e, et cela dans
toutes les conditions exig‚es par le programme de la Soci‚t‚
horticole de Harlem. L'histoire de sa naissance et le nom de son
auteur seront inscrits au livre d'honneur de la ville. Faites
approcher la personne qui est propri‚taire de la tulipe noire.

Et en pronon‡ant ces paroles, le prince, pour juger de l'effet
qu'elles produiraient, promena son clair regard sur les trois
extr‚mit‚s du triangle.

Il vit Boxtel s'‚lancer de son gradin.
Il vit Corn‚lius faire un mouvement involontaire.
Il vit enfin l'officier charg‚ de veiller sur Rosa la conduire, ou
plut“t la pousser devant son tr“ne.

Un double cri partit … la fois … la droite et … la gauche du prince.
Boxtel foudroy‚, Corn‚lius ‚perdu, avaient tous deux cri‚: ®Rosa!
Rosa!¯

--Cette tulipe est bien … vous, n'est-ce pas, jeune fille? dit le
prince.
--Oui, monseigneur! balbutia Rosa qu'un murmure universel venait de
saluer en sa touchante beaut‚.
--Oh! murmura Corn‚lius, elle mentait donc, lorsqu'elle disait qu'on
lui avait vol‚ cette fleur. Oh! voil… donc pourquoi ellle avait
quitt‚ Loewestein! oh! oubli‚, trahi, par elle, par elle que je
croyais ma meilleure amie!
--Oh! g‚mit Boxtel de son c“t‚, je suis perdu.
--Cette tulipe, poursuivit le prince, portera donc le nom de son
inventeur, et sera inscrite au Catalogue des fleurs sous le titre de
Tulipa nigra Rosa Barl‘nsis, … cause du nom de van Baerle, qui sera
d‚sormais le nom de femme de cette jeune fille.

Et en mˆme temps, Guillaume prit la main de Rosa et la mit dans la
main d'un homme qui venait de s'‚lancer pƒle, ‚tourdi, ‚cras‚ de
joie, au pied du tr“ne, en saluant tour … tour son prince, sa fianc‚e
et Dieu qui, du fond du ciel azur‚, regardait en souriant le
spectacle de deux coeurs heureux.

En mˆme temps aussi tombait aux pieds du pr‚sident van Systens un
autre homme frapp‚ d'une ‚motion bien diff‚rente. Boxtel, an‚anti
sous la ruine de ses esp‚rances, venait de s'‚vanouir. On le releva,
on interrogea son pouls et son coeur; il ‚tait mort.

Cet incident ne troubla point autrement la fˆte, attendu que ni le
pr‚sident ni le prince ne parurent s'en pr‚occuper beaucoup.
Corn‚lius recula ‚pouvant‚; dans son voleur, dans son faux Jacob, il
venait de reconnaŒtre le vrai Isaac Boxtel, son voisin, que, dans la
puret‚ de son ƒme, il n'avait jamais soup‡onn‚ un seul instant d'une
si m‚chante action.

Puis, au son des trompettes, la procession reprit sa marche sans
qu'il y e–t rien de chang‚ dans son c‚r‚monial, sinon que Boxtel
‚tait mort et que Corn‚lius et Rosa, triomphants, marchaient c“te …
c“te et la main de l'un dans la main de l'autre.

Quand on fut rentr‚ … l'H“tel-de-ville, le prince montrant du doigt …
Corn‚lius la bourse aux cent mille florins d'or:

--On ne sait trop, dit-il, par qui est gagn‚ cet argent, si c'est par
vous ou si c'est par Rosa; car si vous avez trouv‚ la tulipe noire,
elle l'a ‚lev‚e et fait fleurir; aussi ne l'offrira-t-elle pas comme
dot, ce serait injuste. D'ailleurs, c'est le don de la ville de
Harlem … la tulipe.

Corn‚lius attendait pour savoir o— voulait en venir le prince.
Celui-ci continua:

--Je donne … Rosa cent mille florins, qu'elle aura bien gagn‚s et
qu'elle pourra vous offrir; ils sont le prix de son amour, de son
courage et de son honnˆtet‚. Quant … vous, monsieur, grƒce … Rosa
encore, qui a apport‚ la preuve de votre innocence, et en disant ces
mots, le prince tendit … Corn‚lius le fameux feuillet de la Bible sur
lequel ‚tait ‚crite la lettre de Corneille de Witt, et qui avait
servi … envelopper le troisiŠme ca‹eu, quant … vous, l'on s'est
aper‡u que vous aviez ‚t‚ emprisonn‚ pour un crime que vous n'avez
pas commis. C'est vous dire non seulement que vous ˆtes libre, mais
encore que les biens d'un homme innocent ne peuvent ˆtre confisqu‚s.
Vos biens vous sont donc rendus. Monsieur van Baerle, vous ˆtes le
filleul de M. Corneille de Witt et l'ami de M. Jean. Restez digne du
nom que vous a confi‚ l'un sur les fonts de baptˆme, et de l'amiti‚
que l'autre vous avait vou‚e. Conservez la tradition de leurs
m‚rites … tous deux, car ces MM. de Witt, mal jug‚s, mal punis, dans
un moment d'erreur populaire, ‚taient deux grands citoyens dont la
Hollande est fiŠre aujourd'hui.

Le prince, aprŠs ces deux mots qu'il pronon‡a d'une voix ‚mue, contre
son habitude, donna ses deux mains … baiser aux deux ‚poux, qui
s'agenouillŠrent … ses c“t‚s. Puis, poussant un soupir:

--H‚las! dit-il, vous ˆtes bien heureux, vous qui peut-ˆtre rˆvant la
vraie gloire de la Hollande et surtout son vrai bonheur, ne cherchez
… lui conqu‚rir que de nouvelles couleurs de tulipes.

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