Why We Are At War (2nd Edition, revised)
by
Members of the Oxford Faculty of Modern History

Part 5 out of 5




_(Telegramme)._ Paris, le 14/27 Juillet 1914.

Ai confere avec le Gerant du Ministere des Affaires Etrangeres, en
presence de Berthelot, immediatement apres mon retour a Paris. Tous les
deux m'out confirme les details concernant les demarches de
l'Ambassadeur d'Allemagne que Sevastopoulo Vous a communiques dans ses
telegrammes. Ce matin le Baron de Schoen a confirme par ecrit sa
declaration d'hier, savoir: 1) l'Autriche a declare a la Russie qu'elle
ne recherche pas d'acquisitions et n'attente pas a l'integrite de la
Serbie. Son unique but est d'assurer sa propre tranquillite. 2) Par
consequent il depend de la Russie d'eviter la guerre. 3) L'Allemagne et
la France, completement solidaires dans l'ardent desir de ne pas rompre
la paix, doivent agir sur la Russie dans un sens moderateur. Le Baron de
Schoen a specialement souligne l'expression de la solidarite entre
l'Allemagne et la France. D'apres la conviction du Ministre de la
Justice, les demarches susdites de l'Allemagne out pour but evident de
desunir la Russie et la France, d'entrainer le Gouvernement Francais
dans la voie des representations a St. Petersbourg et de compromettre
ainsi notre allie a nos yeux; enfin, en cas de guerre, d'en rejeter la
responsabilite non sur l'Allemagne, qui emploie soi-disant tous ses
efforts pour le maintien de la paix, mais sur la Russie et la France.

(Signe) Iswolsky.


No. 36.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 14/27 Juillet 1914.

Il ressort de vos telegrammes du 13/26 Juillet que vous ne connaissiez
pas encore la reponse du Gouvernement Serbe. Le telegramme par lequel
cette nouvelle m'a ete communiquee de Belgrade a ete egalement en route
pendant 20 heures. Le telegramme du Ministre des Affaires Etrangeres
Francais expedie avant-hier, au triple tarif, a onze heures du matin, et
contenant l'ordre d'appuyer notre demarche, n'est parvenu a sa
destination qu'a 6 heures. Il n'y a aucun doute que ce telegramme n'ait
ete retenu intentionnellement par le telegraphe autrichien.

(Signe) Iswolsky.


No. 37.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 14/27 Juillet 1914.

D'ordre de son Gouvernement, l'Ambassadeur d'Autriche a communique au
Gerant du Ministere des Affaires Etrangeres que la reponse de la Serbie
a ete jugee insuffisante a Vienne et que demain, mardi, l'Autriche
procederait a des 'actions energiques' don't le but serait de forcer la
Serbie de lui donner les garanties necessaires. Le Ministre ayant
demande en quoi consisteraient ces actions, l'Ambassadeur repondit qu'il
n'avait pas de renseignements exacts a ce sujet, mais qu'il pouvait
s'agir d'un passage da la frontiere serbe, d'un ultimatum et meme d'une
declaration de guerre.

(Signe) Iswolsky.


No. 38.

Le Charge d'Affaires en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 14/27 Juillet 1914.

J'ai prie le Ministre des Affaires Etrangeres d'appuyer a Vienne votre
proposition tendant a autoriser Szapary d'elaborer, par la voie d'un
echange de vues prive avec Vous, une redaction des demandes
austro-hongroises acceptable pour les deux parties. Jagow a repondu
qu'il etait an courant de cette proposition et qu'il partageait l'avis
de Pourtales que, puisque Szapary avait commence cette conversation, il
pourrait aussi bien la continuer. Il telegraphiera dans ce sens a
l'Ambassadeur d'Allemagne a Vienne. Je l'ai prie de conseiller d'une
facon plus pressante a Vienne de s'engager dans cette voie de
conciliation; Jagow a repondu qu'il ne pouvait pas conseiller a
l'Autriche de ceder.

(Signe) Bronewsky.


No. 39.

Le Charge d'Affaires en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 14/27 Juillet 1914.

Aujourd'hui, avant ma visite au Ministre des Affaires Etrangeres, ce
dernier avait recu celle de l'Ambassadeur de France qui avait tente de
lui faire accepter la proposition anglaise relative a une action en
faveur de la paix, action qui serait exercee simultanement a
St.-Petersbourg et a Vienne par l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie et
la France. Cambon a propose que ces Puissances donnent a Vienne un
conseil dans les termes suivants: "S'abstenir de tout acte qui pourrait
aggraver la situation de l'heure actuelle". En adoptant cette formule
voilee on eviterait de mentionner la necessite de s'abstenir d'une
invasion de la Serbie. Jagow a oppose a cette proposition un refus
categorique, et cela malgre les instances de l'Ambassadeur qui a fait
valoir, comme un bon cote de la proposition, le groupement mixte des
Puissances grace auquel on evitait l'opposition de l'Alliance a
l'Entente, ce dont s'etait si souvent plaint Jagow lui-meme.

(Signe) Bronewsky.


No. 40.

Telegramme de Sa Majeste Imperiale l'Empereur a Son Altesse Royale le
Prince Alexandre de Serbie en date du 14/27 Juillet 1914.

Votre Altesse Royale en s'adressant a Moi dans un moment
particulierement difficile ne s'est pas trompee sur les sentiments qui
M'animent a Son egard et sur Ma sympathie cordiale pour le peuple serbe.

Ma plus serieuse attention est attiree par la situation actuelle et Mon
Gouvernement s'applique de toutes ses forces a aplanir les presentes
difficultes. Je ne doute point que Votre Altesse et le Gouvernement
Royal ne veuillent faciliter cette tache en ne negligeant rien pour
arriver a une solution qui permette de prevenir les horreurs d'une
nouvelle guerre tout en sauvegardant la dignite de la Serbie.

Tant qu'il y a le moindre espoir d'eviter une effusion de sang, tous nos
efforts doivent tendre vers ce but. Si, malgre Notre plus sincere desir,
Nous ne reussissons pas, Votre Altesse peut etre assuree qu'en aucun cas
la Russie ne se desinteressera du sort de la Serbie.

(Signe) Nicolas.


No. 41.

L'Ambassadeur en Autriche-Hongrie au Ministre des Affaires Etrangeres.

(_Telegramme_). Vienne, le 14/17 juillet 1914.[194]

Le Ministre des Affaires Etrangeres est absent. Pendant un entretien
prolonge, que j'ai eu aujourd'hui avec Macchio, j'ai, en termes tout a
fait amicaux, attire son attention sur l'impression defavorable qu'a
produite en Russie la presentation par l'Autriche a la Serbie de
demandes absolument inacceptables pour chaque etat independant, bien que
petit. J'ai ajoute que ce procede, qui pourrait amener des complications
les moins desirables, a provoque en Russie une profonde surprise et une
reprobation generale. Il faut supposer que l'Autriche, sous l'influence
des assurances du Representant Allemand a Vienne, lequel pendant toute
cette crise a joue un role d'instigateur, a compte sur la probabilite de
la localisation de son conflit avec la Serbie et sur la possibilite de
porter a cette derniere impunement un coup grave. La declaration du
Gouvernement Imperial concernant l'impossibilite pour la Russie de
rester indifferente en presence d'un tel procede a provoque ici une
grande impression.

(Signe) Schebeko.

[Footnote 194: Evidently the date July 17 is a misprint for July 27.]


No. 42.

L'Ambassadeur en Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

(_Telegramme_). Londres, le 14/17 Juillet 1914.[195]

Grey vient de repondre a l'Ambassadeur d'Allemagne, qui etait venu le
questionner sur la possibilite d'une action a St.-Petersbourg, que cette
action devrait se produire a Vienne et que le cabinet de Berlin serait
le mieux qualifie pour l'exercer. Grey a fait observer en meme temps que
la reponse serbe a la note autrichienne depassait par sa moderation et
son esprit de conciliation tout ce a quoi on pouvait s'attendre. Grey a
ajoute qu'il en concluait que la Russie avait conseille a Belgrade de
donner une reponse moderee et qu'il pensait que la reponse serbe pouvait
servir de base a une solution pacifique et acceptable de la question.

Dans ces conditions, a continue Grey, si l'Autriche malgre cette reponse
commencait les hostilites, elle prouverait son intention d'aneantir la
Serbie. La question placee sur ce terrain produirait une situation qui
pourrait amener une guerre dans laquelle seraient impliquees toutes les
Puissances.

Grey a enfin declare que le Gouvernement Anglais etait bien sincerement
dispose a collaborer avec le gouvernement Allemand tant qu'il s'agirait
de la conservation de la paix; mais que pour le cas contraire
l'Angleterre se reservait une pleine liberte d'action.

(Signe) Benckendorff.

[Footnote 195: Evidently the date July 17 is a misprint for July 27.]


No. 43.

Le Ministre des Affaires Etrangeres a l'Ambassadeur en Angleterre.

(_Telegramme_). St.-Petersbourg, le 15/28 Juillet 1914.

(Printed in the British White Book (_Correspondence_, No. 54.).)


No. 44.

Le Consul general a Fiume au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Fiume, le 15/28 Juillet 1914.

L'etat de siege a ete proclame en Slavonie, en Croatie et a Fiume et en
meme temps les reservistes de toutes les categories ont ete mobilises.

(Signe) Salviati.


No. 45.

L'Ambassadeur en Autriche-Hongrie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Vienne, le 15/28 Juillet 1914.

(Printed in the British White Book (_Correspondence_, No. 93 (I)).)


No. 46.

Le Charge d'affaires en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 15/28 Juillet 1914.

Le Bureau Wolff n'a pas publie le texte de la note responsive serbe qui
lui avait ete communique. Jusqu'a ce moment cette note n'a paru in
extenso dans aucun des journaux locaux, qui selon toute evidence ne
veulent pas lui donner place dans leurs colonnes, se rendant compte de
l'effet calmant que cette publication produirait sur les lecteurs
allemands.

(Signe) Bronewsky.


No. 47.

L'Ambassadeur en Autriche-Hongrie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Vienne, le 15/28 Juillet, 1914.

Le decret sur la mobilisation generale a ete signe.

(Signe) Schebeko.


No. 48.

Le Ministre des Affaires Etrangeres a l'Ambassadeur a Londres.[196]

_(Telegramme)._ St.-Petersbourg, le 15/28 Juillet, 1914.

En presence des hostilites entre l'Autriche-Hongrie et la Serbie il est
necessaire que l'Angleterre entreprenne d'urgence une action mediatrice
et que l'action militaire de l'Autriche contre la Serbie soit
immediatement suspendue. Autrement la mediation ne servira que de
pretexte pour tirer en longueur la solution de la question et donnera
entre temps a l'Autriche la possibilite d'ecraser completement la Serbie
et d'occuper une situation dominante dans les Balcans.

Communique a Paris, Berlin, Vienne et Rome.

(Signe) Sazonow.

[Footnote 196: An English (abbreviated) version of this telegram is
given in the British White Book (_Correspondence_, No. 70 (2)).]


No. 49.

Le Ministre des Affaires Etrangeres au Charge d'Affaires en Allemagne.

_(Telegramme)._ St.-Petersbourg, le 16/29 Juillet, 1914.

(Printed in the British White Book (_Correspondence_, No. 93 (2)).)


No. 50.

Le Ministre des Affaires Etrangeres aux Ambassadeurs en Angleterre et en
France.

_(Telegramme)._ St.-Petersbourg, le 16/29 Juillet 1914.

(Printed in the British White Book (_Correspondence_, No. 93 (3)).)


No. 51.

Le Charge d'Affaires en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 16/29 Juillet 1914.

Sur ma question s'il avait une reponse de Vienne relativement a Votre
proposition de pourparlers prives a St.-Petersbourg, le Secretaire
d'Etat a repondu negativement.

Il declare qu'il lui est fort difficile d'agir sur Vienne, surtout
ouvertement. Parlant a Cambon, il a meme ajoute qu'en cas d'une pression
trop evidente l'Autriche se haterait de mettre l'Allemagne en presence
d'un fait accompli.

Le Secretaire d'Etat dit qu'il a recu aujourd'hui un telegramme de
Pourtales d'ou il constate que plus que les premiers jours Vous etes
dispose a trouver un compromis acceptable pour tous. J'ai replique que
probablement Vous avez ete des le commencement en faveur d'un compromis,
bien entendu a la condition qu'il soit acceptable non seulement pour
l'Autriche, mais egalement pour nous. Il m'a dit ensuite qu'il
paraissait que nous avions commence a mobiliser sur la frontiere
autrichienne et qu'il craignait que ceci rendrait plus difficile pour
l'Autriche la possibilite de s'entendre avec nous, d'autant plus que
l'Autriche ne mobilisait que contre la Serbie et ne faisait pas de
preparatifs sur notre frontiere. J'ai repondu que, d'apres les
renseignements dont je disposais, l'Autriche mobilisait egalement sur
notre frontiere et que par consequent nous devions prendre des mesures
analogues. J'ai ajoute que les mesures que nous avons peut-etre prises
de notre cote n'etaient nullement dirigees contre l'Allemagne.

(Signe) Bronewsky.


No. 52.

Le Charge d'affaires en Serbie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Nich, le 16/29 Juillet 1914.

Aujourd'hui le Ministre de Bulgarie, an nom de son Gouvernement, a
declare a Pachiteh que la Bulgarie observerait la neutralite.

(Signe) Strandtman.


No. 53.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 16/29 Juillet 1914.

A l'occasion de l'arrivee du President de la Republique Francais le
Ministre des Affaires Etrangeres avait prepare un court expose de la
situation politique actuelle, a pen pres dans les termes suivants:
L'Autriche, craignant la decomposition interieure, s'est emparee du
pretexte de l'assassinat de l'Archiduc pour essayer d'obtenir des
garanties qui pourront revetir la forme de l'occupation des
communications militaires serbes ou meme du territoire serbe.
L'Allemagne soutient l'Autriche. Le maintien de la paix depend de la
seule Russie, parce qu'il s'agit d'une affaire qui doit etre "localisee"
entre l'Autriche et la Serbie, c'est a dire de la punition de la
politique precedente de la Serbie et des garanties pour l'avenir. De
ceci l'Allemagne conclue qu'il faut exercer une action moderatrice a
Petersbourg. Ce sophisme a ete refute a Paris comme a Londres. A Paris,
le Baron de Schoen a en vain tache d'entrainer la France a une action
solidaire avec l'Allemagne sur la Russie en faveur du maintien de la
paix. Les memes tentatives out ete faites a Londres. Dans les deux
capitales il a ete repondu que l'action devrait etre exercee a Vienne,
car les demandes excessives de l'Autriche, son refus de discuter les
rares reserves de la Serbie, et la declaration de guerre menacent de
provoquer la guerre generale. La France et l'Angleterre ne peuvent
exercer une action moderatrice sur la Russie, laquelle jusqu'ici a fait
preuve de la plus grande moderation, surtout en conseillant a la Serbie
d'accepter ce qui etait possible de la note autrichienne. Aujourd'hui
l'Allemagne parait renoncer a l'idee d'une action sur la Russie seule et
incline vers une action mediatrice a Petersbourg et a Vienne, mais en
meme temps l'Allemagne comme l'Autriche tachent de faire trainer
l'affaire. L'Allemagne s'oppose a la Conference sans indiquer aucune
autre maniere d'agir pratique. L'Autriche mene des pourparlers
manifestement dilatoires a Petersbourg. En meme temps elle prend des
mesures actives, et si ces mesures sont tolerees, ses pretentions
augmenteront proportionnellement. Il est tres desirable que la Russie
prete tout son appui an projet de mediation que presentera Sir E. Grey.
Dans le cas contraire l'Autriche, sous pretexte de "garantie", pourra,
en fait, changer le status territorial de l'Europe orientale.

(Signe) Iswolsky.


No. 54.

L'Ambassadeur en Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Londres, le 10/29 Juillet 1914.

Ai communique le contenu de Vos telegrammes du 15/28 Juillet a Grey. Il
a declare aujourd'hui a l'Ambassadeur d'Allemagne que les pourparlers
directs entre la Russie et l'Autriche avaient echoue, et que les
correspondants des journaux mandaient de St.-Petersbourg que la Russie
mobilisait contre l'Autriche a la suite de la mobilisation de cette
derniere. Grey dit qu'en principe le Gouvernement Allemand s'est declare
en faveur de la mediation, mais qu'il rencontre des difficultes quant a
la forme. Grey a insiste pour que le Gouvernement Allemand indiquat la
forme laquelle a l'avis de l'Allemagne pourrait permettre aux 4
Puissances d'exercer leur mediation pour eviter la guerre; vu le
consentement de la France, de l'Italie et de l'Angleterre la mediation
pourrait avoir lieu seulement dans le cas ou l'Allemagne consentirait a
se ranger du cote de la paix.

(Signe) Benckendorff.


No. 55.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 16/29 Juillet 1914.

Viviani vient de me confirmer l'entiere resolution du Gouvernement
Francais d'agir d'accord avec nous. Cette resolution est soutenue par
les cercles les plus etendus et par les partis, y compris les
radicaux-socialistes, qui viennent de lui presenter une declaration
exprimant la confiance absolue et les dispositions patriotiques du
groupe. Des son arrivee a Paris, Viviani a telegraphie d'urgence a
Londres que vu la cessation des pourparlers directs entre Petersbourg et
Vienne il etait necessaire que le Cabinet de Londres renouvelat le plus
tot possible sous telle ou autre forme sa proposition concernant la
mediation des Puissances. Avant moi Viviani a recu aujourd'hui
l'Ambassadeur d'Allemagne qui lui a renouvele l'assurance des tendances
pacifiques de l'Allemagne. Viviani ayant fait observer que si
l'Allemagne desirait la paix elle devrait se hater d'adherer a la
proposition de mediation anglaise, le Baron Schoen a repondu que les
mots "conference" ou "arbitrage" effrayaient l'Autriche. Viviani a
replique qu'il ne s'agissait pas de mots et qu'il serait facile de
trouver une autre forme de mediation. D'apres l'avis du Baron de Schoen,
pour le succes des negociations entre les Puissances il serait
necessaire de savoir ce que l'Autriche compterait demander a la Serbie.
Viviani a repondu que le Cabinet de Berlin pourrait bien facilement s'en
enquerir aupres de l'Autriche, mais qu'en attendant la note responsive
serbe pourrait servir de base a la discussion; il a ajoute que la France
desirait sincerement la paix, mais qu'elle etait en meme temps resolue
d'agir en pleine harmonie avec ses allies et amis, et que lui, le Baron
de Schoen, avait pu se convaincre que cette resolution rencontrait la
plus vive approbation du pays.

(Signe) Iswolsky.


No. 56.

Telegramme de son Altesse Royale le Prince Alexandre de Serbie a sa
Majeste l'Empereur.

Profondement touche par le telegramme que Votre Majeste a bien voulu
M'adresser hier, Je M'empresse de La remercier de tout mon coeur. Je
prie Votre Majeste d'etre persuadee que la cordiale sympathie, dont
Votre Majeste est animee envers Mon pays, nous est particulierement
precieuse et remplit notre ame de l'espoir que l'avenir de la Serbie est
assure etant devenu l'objet de la Haute sollicitude de Votre Majeste.
Ces moments penibles ne peuvent que raffermir les liens de l'attachement
profond qui unissent la Serbie a la sainte Russie slave, et les
sentiments de reconnaissance eternelle pour l'aide et la protection de
Votre Majeste seront conserves pieusement dans l'ame de tous les Serbes.

(Signe) Alexandre,


No. 57.

Le Charge d'Affaires en Serbie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Nich, le 16/29 Juillet 1914.

J'ai communique a Pachitch le texte du telegramme responsif de Sa
Majeste l'Empereur an Prince Alexandre. Pachitch apres l'avoir lu, se
signa et dit: "Seigneur! Le Tzar est grand et clement"! Ensuite il
m'embrassa, ne pouvant contenir l'emotion qui l'avait gagne. L'heritier
est attendu a Nich dans la nuit.

(Signe) Strandtman.


No. 58.

Le Ministre des Affaires Etrangeres a l'Ambassadeur en France.

_(Telegramme)._ St. Petersbourg, le 10/29 Juillet 1914.

Aujourd'hui l'Ambassadeur d'Allemagne m'a communique la resolution prise
par son gouvernement de mobiliser, si la Russie ne cessait pas ses
preparatifs militaires. Or, nous n'avons commence ces derniers qu'a la
suite de la mobilisation a laquelle avait deja procede l'Autriche et vu
l'absence evidente chez cette derniere du desir d'accepter un mode
quelconque d'une solution pacifique de son conflit avec la Serbie.

Puisque nous ne pouvons pas acceder au desir de l'Allemagne, il ne nous
reste que d'accelerer nos propres armements et de compter avec
l'inevitabilite probable de la guerre.--Veuillez en avertir le
Gouvernement Francais et lui exprimer en meme temps notre sincere
reconnaissance pour la declaration que l'Ambassadeur de France m'a faite
en son nom en disant que nous pouvons compter entierement sur l'appui de
notre alliee de France. Dans les circonstances actuelles cette
declaration nous est particulierement precieuse. Communique aux
Ambassadeurs en Angleterre, Autriche-Hongrie, Italie, Allemagne.

(Signe) Sazonow.


No. 59.

Le Charge d'Affaires en Serbie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Nich, le 17/30 Juillet 1914.

Le Prince-Regent a publie hier un manifeste signe par tous les Ministres
a l'occasion de la declaration de la guerre par l'Autriche a la Serbie.
Le manifeste se termine par les paroles suivantes: "Defendez de toutes
vos forces vos foyers et la Serbie". Lors de l'ouverture solennelle de
la Scouptchina, le Regent lut en son nom le discours du trone, an debut
duquel il indiqua que le lieu de la convocation demontrait l'importance
des evenements actuels. Suit l'expose des faits des derniers
jours--l'ultimatum autrichien, la reponse serbe, les efforts du
gouvernement Royal de faire tout ce qui etait compatible avec la dignite
de l'Etat pour eviter la guerre et enfin l'agression armee du voisin
plus puissant contre la Serbie, aux cotes de laquelle se tient le
Montenegro. En passant a l'examen de l'attitude des Puissances en
presence du conflit, le Prince insista tout d'abord sur les sentiments
dont est animee la Russie et sur la Toute Gracieuse Communication de sa
Majeste l'Empereur disant que la Russie en aucun cas n'abandonnera la
Serbie. A chaque mention du nom de Sa Majeste Imperiale et de la Russie
un "jivio" formidable et febrile secouait la salle des seances. Les
marques de sympathie de la part de la France et de l'Angleterre furent
aussi relevees separement et provoquerent des "jivio" d'approbation de
la part des deputes. Le discours du trone se termine par la declaration
d'ouverture de la Scouptchina et par l'expression du voeu que toutes les
mesures soient prises pour faciliter la tache du Gouvernement.

(Signe) Strandtman.


No. 60.

Le Ministre des Affaires Etrangeres aux Ambassadeurs en Allemagne, en
Autriche-Hongrie, en France, en Angleterre, et en Italie.

_(Telegramme)._ St. Petersbourg, le 17/30 Juillet 1914.

L'Ambassadeur d'Allemagne qui vient de me quitter m'a demande si nous ne
pouvions pas nous contenter de la promesse que l'Autriche pourrait
donner--de ne pas porter atteinte a l'integrite du Royaume de Serbie--et
indiquer a quelles conditions nous pourrions encore consentir a
suspendre nos armements; je lui ai dicte, pour etre transmise d'urgence
a Berlin, la declaration suivante: "Si l'Autriche, reconnaissant que la
question austro-serbe a assume le caractere d'une question europeenne,
se declare prete a eliminer de son ultimatum les points qui portent
atteinte aux droits souverains de la Serbie, la Russie s'engage a cesser
ses preparatifs militaires."

Veuillez telegraphier d'urgence quelle sera l'attitude du Gouvernement
Allemand en presence de cette nouvelle preuve de notre desir de faire le
possible pour la solution pacifique de la question, car nous ne pouvons
pas admettre que de semblables pourparlers ne servent qu'a faire gagner
du temps a l'Allemagne et a l'Autriche pour leurs preparatifs
militaires.

(Signe) Sazonow.


No. 61.

L'Ambassadeur en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 17/30 Juillet 1914.

J'apprends que le decret de mobilisation de l'armee et de la flotte
allemandes vient d'etre promulgue.

(Signe) Swerbeew.


No. 62.

L'Ambassadeur en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 17/30 Juillet 1914.

Le Ministre des Affaires Etrangeres vient de me telephoner pour me
communiquer que la nouvelle lancee tout a l'heure de la mobilisation de
l'armee et de la flotte allemandes est fausse; que les feuillets des
journaux etaient imprimes d'avance en prevision de toutes eventualites,
et mis en vente a l'heure de l'apres-midi, mais que maintenant ils sont
confisques,

(Signe) Swerbeew.


No. 63.

L'Ambassadeur en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 17/30 Juillet 1914.

Ai recu Votre telegramme du 16-29 Juillet et ai transmis le texte de
Votre proposition au Ministre des Affaires Etrangeres que je viens de
voir; il m'a dit qu'il avait recu un telegramme identique de
l'Ambassadeur d'Allemagne a St.-Petersbourg et m'a declare ensuite qu'il
trouvait notre proposition inacceptable pour l'Autriche.

(Signe) Swerbeew.


No. 64.

L'Ambassadeur en Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Londres, le 17/30 Juillet 1914.

Ai communique le contenu de Vos telegrammes du 16 et 17 Juillet a Grey
lequel considere la situation comme tres serieuse, mais desire continuer
les pourparlers. J'ai fait observer a Grey que depuis que Vous lui aviez
fait la proposition d'accepter tout ce qu'il proposerait en faveur du
maintien de la paix, pourvu que l'Autriche ne put profiter de ces
atermoiements pour ecraser la Serbie, la situation dans laquelle Vous
vous trouviez s'etait apparemment modifiee. A cette epoque nos rapports
avec l'Allemagne n'etaient pas compromis. Apres la declaration de
l'Ambassadeur d'Allemagne a St.-Petersbourg concernant la mobilisation
allemande, ces rapports avaient change et sa demande avait recu de Votre
part la seule reponse que pouvait donner une grande Puissance. Lorsque
l'Ambassadeur d'Allemagne etait revenu aupres de Vous et s'etait enquis
de Vos conditions, Vous les aviez formulees dans des circonstances
tout-a-fait speciales. J'ai en meme temps de nouveau insiste aupres de
Grey sur la necessite de prendre en consideration la situation nouvelle
creee par la faute de l'Allemagne a la suite de l'action de
l'Ambassadeur d'Allemagne. Grey a repondu qu'il le comprenait et qu'il
tiendrait compte de ces arguments.

(Signe) Benckendorff.


No. 65.

L'Ambassadeur en Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Londres, le 17/30 Juillet 1914.

L'Ambassadeur d'Allemagne a demande a Grey pour quelle raison
l'Angleterre prenait des mesures militaires sur terre et sur mer. Grey a
repondu que ces mesures n'avaient pas un caractere agressif, mais que la
situation etait telle que chaque Puissance devait se preparer.

(Signe) Benckendorff.


No. 66.

L'Ambassadeur en Autriche-Hongrie au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Vienne, le 18/31 Juillet 1914.

Malgre la mobilisation generale je continue a echanger des vues avec le
Comte Berchtold et ses collaborateurs. Tous insistent sur l'absence chez
l'Autriche d'intentions agressives quelconques contre la Russie et de
visees de conquete a l'egard de la Serbie, mais tous insistent egalement
sur la necessite pour l'Autriche de poursuivre jusqu'an bout l'action
commencee et de donner a la Serbie une lecon serieuse qui pourrait
constituer une certaine garantie pour l'avenir.

(Signe) Schebeko.


No. 67.

Le Ministre des Affaires Etrangeres aux Ambassadeurs en Allemagne,
Autriche-Hongrie, en France, en Angleterre et en Italie.[197]

_(Telegramme)._ St. Petersbourg, le 18/31 Juillet 1914.

Me refere a mon telegramme du 17/30 Juillet. D'ordre de son
gouvernement, l'Ambassadeur d'Angleterre m'a transmis le desir du
Cabinet de Londres d'introduire quelques modifications dans la formule
que j'ai proposee hier a l'Ambassadeur d'Allemagne. J'ai repondu que
j'acceptais la proposition anglaise. Ci-dessous je vous transmets la
formule modifiee en consequence.

'Si l'Autriche consent a arreter la marche de ses armees sur le
territoire Serbe et si, reconnaissant que le conflit austro-serbe a
assume le caractere d'une question d'interet europeen, elle admet que
les Grandes Puissances examinent la satisfaction que la Serbie pourrait
accorder au gouvernement d'Autriche-Hongrie sans laisser porter atteinte
a ses droits d'Etat souverain et a son independance,--la Russie s'engage
a conserver son attitude expectante.'

(Signe) Sazonow.

[Footnote 197: The second paragraph is printed in the British White Book
(_Correspondence_ No. 132).]


No. 68.

L'Ambassadeur en Allemagne au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Berlin, le 18/31 Juillet 1914.

Le Ministre des Affaires Etrangeres vient de me dire que nos
pourparlers, qui etaient deja difficiles a la suite de la mobilisation
contre l'Autriche, le deviennent encore davantage en presence des graves
mesures militaires que nous prenons contre l'Allemagne; des nouvelles y
relatives sont, d'apres lui, recues ici de tous les cotes et devront
provoquer inevitablement des mesures analogues de la part de
l'Allemagne. A cela j'ai repondu que, d'apres des renseignements surs
dont je disposais et qui etaient confirmes par tous nos compatriotes
arrivant a Berlin, la prise contre nous des mesures susdites se
poursuivait egalement en Allemagne avec grande activite. Malgre cela, le
Ministre des Affaires Etrangeres affirme qu'ici on n'a fait que rappeler
les officiers de leurs conges et les troupes des champs de manoeuvres.

(Signe) Swerbeew.


No. 69.

Le Ministre des Affaires Etrangeres a l'Ambassadeur en Angleterre.

_(Telegramme)._ St.-Petersbourg, le 18/31 Juillet 1914.

J'ai prie l'Ambassadeur d'Angleterre de transmettre a Grey l'expression
de ma plus sincere reconnaissance pour le ton amical et ferme dont il a
use pendant les pourparlers avec l'Allemagne et l'Autriche, grace a quoi
l'espoir de trouver une issue pacifique de la situation actuelle n'est
pas encore perdu.

Je l'ai aussi prie de dire au Ministre Anglais que je pensais que ce
n'etait qu'a Londres que les pourparlers auraient encore quelques
chances d'un succes quelconque, en facilitant a l'Autriche la necessite
d'un compromis.

Communique a l'Ambassadeur en France.

(Signe) Sazonow.


No. 70.

Telegramme secret aux Representants de Sa Majeste l'Empereur a
l'etranger.

(_Telegramme_). Le 19 Juillet/1 Aout 1914.

A minuit l'Ambassadeur d'Allemagne m'a declare, d'ordre de son
Gouvernement, que si dans les 12 heures, c'est-a-dire a midi, Samedi,
nous ne commencions pas la demobilisation, non seulement a l'egard de
l'Allemagne, mais aussi a l'egard de l'Autriche, le Gouvernement
Allemand serait force de donner l'ordre de mobilisation. A ma question
si c'etait la guerre, l'Ambassadeur a repondu par la negative, mais en
ajoutant que nous etions fort pres d'elle.

(Signe) Sazonow.


No. 71.

L'Ambassadeur en Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Londres, 19 Juillet/1 Aout 1914.

Grey m'a dit qu'il a telegraphie a Berlin qu'a son avis la derniere
formule acceptee par le Gouvernement Russe constitue la base de
negociations qui presente le plus de chances pour une solution pacifique
du conflict. Il a exprime en meme temps l'espoir qu'aucune grande
Puissance ne commencerait les hostilites avant l'examen de cette
formule.

(Signe) Benckendorff.


No. 72.

L'Ambassadeur eu Angleterre au Ministre des Affaires Etrangeres.

(_Telegramme_). Londres, le 19 Juillet/1 Aout 1914.

Le Gouvernement de la Grande-Bretagne a pose aux Gouvernements Francais
et Allemand la question s'ils respecteraient la neutralite de la
Belgique.

La France a repondu dans I'affirmative, tandis que le Gouvernement
Allemand a declare ne pouvoir repondre a cette question categoriquement.

(Signe) Benckendorff.


No. 73.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 19 Juillet/1 Aout 1914.

L'Ambassadeur d'Autriche a visite hier Viviani et lui a declare que
l'Autriche non seulement n'avait pas le dessein de porter atteinte a
l'integrite territoriale de la Serbie, mais etait prete a discuter avec
les autres Puissances le fond de son conflit avec la Serbie. Le
Gouvernement Francais est tres preoccupe par les preparatifs militaires
extraordinaires de l'Allemagne sur la frontiere francaise, car il est
convaincu que sous le voile du "Kriegszustand" se produit une veritable
mobilisation.

(Signe) Iswolsky.


No. 74.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 19 Juillet/1 Aout 1914.

A la reception ici du telegramme de l'Ambassadeur de France a
St.-Petersbourg contenant la communication que Vous a faite
l'Ambassadeur Allemand concernant la resolution de l'Allemagne de
decreter aujourd'hui la mobilisation generale, le President de la
Republique a signe le decret de mobilisation. Dans les rues on procede a
l'affichage des listes d'appel des reservistes. L'Ambassadeur
d'Allemagne vient de rendre visite a Viviani, mais ne lui a fait aucune
nouvelle communication, en alleguant l'impossibilite de dechiffrer les
telegrammes qu'il a recus. Viviani l'a informe de la signature du decret
de mobilisation en reponse a la mobilisation allemande et lui a fait
part de son etonnement de ce que l'Allemagne eut pris une telle mesure a
un moment ou se poursuivait encore un echange de vues amical entre la
Russie, l'Autriche et les Puissances; il a ajoute que la mobilisation ne
prejugeait pas necessairement la guerre et que l'Ambassadeur d'Allemagne
pourrait rester a Paris comme l'Ambassadeur de Russie est reste a Vienne
et celui d'Autriche a St.-Petersbourg.

(Signe) Iswolsky.


No. 75.

L'Ambassadeur en France au Ministre des Affaires Etrangeres.

_(Telegramme)._ Paris, le 19 Juillet/1 Aout 1914.

Je tiens du President que pendant les dernieres journees l'Ambassadeur
d'Autriche a assure avec force le President du Conseil des Ministres et
lui meme, que l'Autriche nous aurait declare etre prete a respecter non
seulement l'integrite territoriale de la Serbie, mais aussi ses droits
souverains, mais que nous aurions intentionnellement fait le silence sur
cette declaration. J'ai oppose un dementi categorique a cela.

(Signe) Iswolsky.


No. 76.

Note remise par l'Ambassadeur d'Allemagne a St.-Petersbourg le 19
Juillet 1914 a 7 h. 10 du soir.

Le Gouvernement Imperial s'est efforce des les debuts de la crise de la
mener a une solution pacifique. Se rendant a un desir qui lui en avait
ete exprime par Sa Majeste l'Empereur de Russie, Sa Majeste l'Empereur
d'Allemagne d'accord avec l'Angleterre s'etait applique a accomplir un
role mediateur aupres des Cabinets de Vienne et de St.-Petersbourg,
lorsque la Russie, sans en attendre le resultat, proceda a la
mobilisation de la totalite de ses forces de terre et de mer. A la suite
de cette mesure menacante motivee par aucun presage militaire de la part
de l'Allemagne, l'Empire Allemand s'est trouve vis-a-vis d'un danger
grave et imminent. Si le Gouvernement Imperial eut manque de parer a ce
peril, il aurait compromis la securite et l'existence meme de
l'Allemagne. Par consequent le Gouvernement Allemand se vit force de
s'adresser au Gouvernement de Sa Majeste l'Empereur de Toutes les
Russies en insistant sur la cessation desdits actes militaires. La
Russie ayant refuse de faire droit a (n'ayant pas cru devoir repondre
a[198]) cette demande et ayant manifeste par ce refus (cette attitude
[198]) que son action etait dirigee contre I'Allemagne, j'ai l'honneur,
d'ordre de mon Gouvernement, de faire savoir a Votre Excellence ce qui
suit:

Sa Majeste l'Empereur Mon Auguste Souverain au nom de l'Empire, relevant
le defi se considere en etat de guerre avec la Russie.

St.-Petersbourg, le 19 Juillet/1 Aout 1914.

(Signe) F. Pourtales.

[Footnote 198: Les mots places entre parentheses se trouvent dans
l'original. Il faut supposer que deux variantes avaient ete preparees
d'avance et que par erreur elles out ete inserees toutes les deux dans
la note.]


No. 77.

Communique du Ministre des Affaires Etrangeres concernant les evenements
des derniers jours.

Le 20 Juillet/2 Aout 1914.

Un expose defigurant les evenements des derniers jours ayant paru dans
la presse etrangere, le Ministere des Affaires Etrangeres croit de son
devoir de publier l'apercu suivant des pourparlers diplomatiques pendant
le temps susvise.

Le 10/23 Juillet a.c. le Ministre d'Autriche-Hongrie a Belgrade presenta
an Ministre President Serbe une note ou le Gouvernement Serbe etait
accuse d'avoir favorise le mouvement panserbe qui avait abouti a
l'assassinat de l'heritier du trone austro-hongrois. En consequence
l'Autriche-Hongrie demandait au Gouvernement Serbe non seulement de
condamner sous une forme solennelle la susdite propagande, mais aussi de
prendre, sous le controle de l'Autriche-Hongrie, une serie de mesures
tendant a la decouverte du complot, a la punition des sujets serbes y
ayant participe et a la prevention dans l'avenir de tout attentat sur le
sol du Royaume. Un delai de 48 heures fut fixe au Gouvernement Serbe
pour la reponse a la susdite note.

Le Gouvernement Imperial, auquel l'Ambassadeur d'Autriche-Hongrie a
St.-Petersbourg avait communique le texte de la note 17 heures apres sa
remise a Belgrade, ayant pris connaissance des demandes y contenues, dut
s'apercevoir que quelques-unes parmi elles etaient inexecutables quant
an fond, tandis que d'autres etaient presentees sous une forme
incompatible avec la dignite d'un Etat independant. Trouvant
inadmissibles la diminution de la dignite de la Serbie contenue dans ces
demandes, ainsi que la tendance de l'Autriche-Hongrie d'assurer sa
preponderance dans les Balcans demontree par ces memes exigences, le
Gouvernement Russe fit observer dans la forme la plus amicale a
l'Autriche-Hongrie qu'il serait desirable de soumettre a un nouvel
examen les points contenus dans la note austro-hongroise. Le
Gouvernement Austro-Hongrois ne crut possible de consentir a une
discussion de la note. L'action moderatrice des autres Puissances a
Vienne ne fut non plus couronnee de succes.

Malgre que la Serbie eut reprouve le crime et se fut montree prete a
donner satisfaction a l'Autriche dans une mesure qui depassa les
previsions non seulement de la Russie, mais aussi des autres Puissances,
le Ministre d'Autriche-Hongrie a Belgrade jugea la reponse serbe
insuffisante et quitta cette ville.

Reconnaissant le caractere exagere des demandes presentees par
l'Autriche, la Russie avait declare encore auparavant qu'il lui serait
impossible de rester indifferente, sans se refuser toutefois a employer
tous ses efforts pour trouver une issue pacifique qui fut acceptable
pour l'Autriche et menageat son amour-propre de grande puissance. En
meme temps la Russie etablit fermement qu'elle admettait une solution
pacifique de la question seulement dans une mesure qui n'impliquerait
pas la diminution de la dignite de la Serbie comme Etat independant.
Malheureusement tous les efforts deployes par le Gouvernement Imperial
dans cette direction resterent sans effet. Le Gouvernement
Austro-Hongrois, apres s'etre derobe a toute intervention conciliatrice
des Puissances dans son conflit avec la Serbie, proceda a la
mobilisation, declara officiellement la guerre a la Serbie, et le jour
suivant Belgrade fut bombardee. Le manifeste qui a accompagne la
declaration de guerre accuse ouvertement la Serbie d'avoir prepare et
execute le crime de Seraiewo. Une pareille accusation d'un crime de
droit commun lancee contre tout un peuple et tout un Etat attira a la
Serbie par son inanite evidente les larges sympathies des cercles de la
societe europeenne.

A la suite de cette maniere d'agir du Gouvernement Austro-Hongrois,
malgre la declaration de la Russie qu'elle ne pourrait rester
indifferente au sort de la Serbie, le Gouvernement Imperial jugea
necessaire d'ordonner la mobilisation des circonscriptions militaires de
Kiew, d'Odessa, de Moscou et de Kazan. Une telle decision s'imposait
parce que depuis la date de la remise de la note austro-hongroise au
Gouvernement Serbe et les premieres demarches de la Russie cinq jours
s'etaient ecoules, et cependant le Cabinet de Vienne n'avait fait aucun
pas pour aller au-devant de nos efforts pacifiques; au contraire, la
mobilisation de la moitie de l'armee austro-hongroise avait ete
decretee.

Le Gouvernement Allemand fut mis au courant des mesures prises par la
Russie; il lui fut en meme temps explique qu'elles n'etaient que la
consequence des armements autrichiens et nullement dirigees contre
l'Allemagne. En meme temps, le Gouvernement Imperial declara que la
Russie etait prete a continuer les pourparlers en vue d'une solution
pacifique du conflit, soit par la voie de negociations directes avec le
Cabinet de Vienne, soit en suivant la proposition de la Grande-Bretagne,
par la voie d'une Conference des quatre Grandes Puissances non
interessees directement, voire l'Angleterre, la France, l'Allemagne et
l'Italie.

Cependant cette tentative de la Russie echoua egalement.
L'Autriche-Hongrie declina un echange de vues ulterieur avec nous, et le
Cabinet de Vienne se deroba a la participation a la Conference des
Puissances projetee.

Neanmoins, la Russie ne discontinua pas ses efforts en faveur de la
paix. Repondant a la question de l'Ambassadeur d'Allemagne, a quelles
conditions nous consentirions encore a suspendre nos armements, le
Ministre des Affaires Etrangeres declara que ces conditions seraient la
reconnaissance par l'Autriche-Hongrie que la question Austro-Serbe avait
revetu le caractere d'une question europeenne, et la declaration de
cette meme Puissance qu'elle consentait a ne pas insister sur des
demandes incompatibles avec les droits souverains de la Serbie.

La proposition de la Russie fut jugee par l'Allemagne inacceptable pour
l'Autriche-Hongrie. Simultanement on recut a St.-Petersbourg la nouvelle
de la proclamation de la mobilisation generale par l'Autriche-Hongrie.

En meme temps les hostilites continuaient sur le territoire Serbe et
Belgrade fut bombardee derechef.

L'insucces de nos propositions pacifiques nous obligea d'elargir les
mesures de precaution militaires.

Le Cabinet de Berlin nous ayant adresse une question a ce sujet, il lui
fut repondu que la Russie etait forcee de commencer ses armements pour
se premunir contre toutes eventualites.

Tout en prenant cette mesure de precaution, la Russie n'en discontinuait
pas moins de rechercher de toutes ses forces une issue de cette
situation et declara etre prete a accepter tout moyen de solution du
conflit qui comporterait l'observation des conditions posees par nous.

Malgre cette communication conciliante, le Gouvernement Allemand, le
18/31 Juillet, adressa au Gouvernement Russe la demande d'avoir a
suspendre ses mesures militaires a midi du 19 Juillet/ 1 Aout, en
menacant, dans le cas contraire, de proceder a une mobilisation
generale.

Le lendemain, 19 Juillet/1 Aout, l'Ambassadeur d'Allemagne transmit au
Ministre des Affaires Etrangeres, an nom de son Gouvernement, la
declaration de guerre.


No. 78.

Le Ministre des Affaires Etrangeres aux Representants de S. M.
I'Empereur a l'etranger.

(_Telegramme_). St.-Petersbourg, le 20 Juillet/2 Aout 1914.

Il est absolument clair que l'Allemagne s'efforce des a present de
rejeter sur nous la responsabilite de la rupture. Notre mobilisation a
ete provoquee par l'enorme responsabilite que nous aurions assumee, si
nous n'avions pas pris toutes les mesures de precaution a un moment ou
l'Autriche, se bornant a des pourparlers d'un caractere dilatoire,
bombardait Belgrade et procedait a une mobilisation generale.

Sa Majeste l'Empereur s'etait engage vis-a-vis de l'Empereur d'Allemagne
par sa parole a n'entreprendre aucun acte agressif tant que dureraient
les pourparlers avec l'Autriche. Apres une telle garantie et apres
toutes les preuves de l'amour de la Russie pour la paix, l'Allemagne ne
pouvait ni avait le droit de douter de notre declaration que nous
accepterions avec joie toute issue pacifique compatible avec la dignite
et l'independance de la Serbie. Une autre issue, tout en etant
completement incompatible avec notre propre dignite, aurait certainement
ebranle l'equilibre Europeen assurant l'hegemonie de l'Allemagne. Ce
caractere Europeen, voire mondial, du conflit est infiniment plus
important que le pretexte qui l'a cree. Par sa decision de nous declarer
la guerre a un moment ou se poursuivaient les negociations entre les
Puissances, l'Allemagne a assume une lourde responsabilite.

(Signe) Sazonow.


No. 79.

Note remise par l'Ambassadeur d'Autriche-Hongrie a St.-Petersbourg au
Ministre des Affaires Etrangeres le 24 Juillet a 6 h. du soir.

D'ordre de son Gouvernement le soussigne Ambassadeur d'Autriche-Hongrie
a l'honneur de notifier a Son Excellence Monsieur le Ministre des
Affaires Etrangeres de Russie ce qui suit:

"Vu l'attitude menacante prise par la Russie dans le conflit entre la
Monarchie Austro-Hongroise et la Serbie et en presence du fait qu'en
suite de ce conflit la Russie, d'apres une communication du Cabinet de
Berlin, a cru devoir ouvrir les hostilites contre l'Allemagne et que
celle-ci se trouve par consequent en etat de guerre avec ladite
Puissance, l'Autriche-Hongrie se considere egalement en etat de guerre
avec la Russie a partir du present moment.

"(Signe) Szapary. St.-Petersbourg. 6 Aout/24 Juillet 1914."





 


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